Hommage à Jacques MARTEL, chantre du Berry

Le 30 décembre 2021 est une date marquante pour la commune de Léré et au-delà.
C’est, en effet, le 30 décembre 1941 qu’est décédé Jacques Martel. Il y a donc 80 ans cette année.

Il est né le 8 septembre 1877, il deviendra un chansonnier réputé à Montmartre.
Il a toujours gardé en son cœur l’amour du pays natal, il y revenait souvent,
recueillant dans la mémoire populaire les vieux airs et les vieilles histoires. Il en faisait de délicieux monologues et de jolies chansons qui sont encore appréciés aujourd’hui.

Son père, sociétaire de la Lyre Léréenne créée en 1880, lui a enseigné le solfège et son métier de tailleur. Assez vite, le jeune homme (de son vrai nom Alfred Mallet) s’essaye à la composition. La lyre interprètera ses premiers airs lors de fêtes locales ou des comices agricoles.

Convaincu que ce n’est qu’à Paris qu’il pourra se faire connaître, il part en 1899, à l’âge de 22 ans. Il s’installe comme tailleur avenue Daumesnil.Ses affaires vont bien et il prend le temps d’aller dans les spectacles des cabarets.

Il songe de plus en plus avec détermination, à paraître en public.
Après bien des démarches, il réussit à obtenir un premier engagement dans un café-théâtre puis dans de petits cabarets. Il lui faudra deux ans avant de s’imposer comme diseur, conteur et chansonnier. En ce début des années 20, il obtient des contrats dans les cabarets montmartrois comme Le Chat Noir, Le Lapin à Gil, Le Moulin de la Galette, le Caveau de la République et Bobino.
Il est le premier à présenter des «bouts rimés». Cela consiste à demander aux spectateurs des rimes alternées masculines et féminines et avec celles-ci d’improviser une chanson sur un thème choisi à l’avance.
Il inclut aussi dans son numéro des textes de son cru.
Immédiatement, ses prestations sont appréciées. De jour en jour, le public est plus nombreux à venir l’entendre et l’applaudir.

En 1925, il obtient le grand prix de la chanson pour “La Madone aux Fleurs” et c’est la gloire. Il ne cesse, alors, de se produire dans les salles les plus prestigieuses de la capitale mais aussi en province, Lyon, Vittel, Vichy, Deauville, Trouville, Le Tréport et dans les pays francophones, Genève, Lausanne, Luxembourg, Liège, Bruxelles.
Simultanément, Jacques Martel continue à écrire des poèmes berrichons, des pièces de théâtre, des chansons et un roman. Toutes ces œuvres sont publiées aux éditions du Flambeau. Il consacre beaucoup de son temps à la radio et crée une émission intitulée “Le quart d’heure berrichon” qui remporte un succès retentissant et sera diffusée jusqu’en 1939.
Chez Polydor, il enregistre de nombreux disques de poèmes et de chansons en patois du Berry qui sont une grande réussite.

Depuis longtemps, une idée a germé dans son esprit. Il souhaite créer une revue littéraire et musicale. Le 08 mai 1914 paraît le premier numéro du “Flambeau” qui est une publication mensuelle dédiée aux lettres et aux arts. “Le Flambeau” reçoit immédiatement un accueil favorable d’autant que des auteurs et des chroniqueurs de talent y collaborent.

Au moment où tout lui semble favorable, un événement malheureux vient le frapper.
Dans la nuit du 7 au 8 août 1922, un incendie ravage les locaux du “Flambeau” et les détruit entièrement. Les dégâts sont très importants, le mobilier a brûlé ainsi que les stocks soit 10000 revues, 500 volumes neufs, 20000 chansons et de nombreux manuscrits. Grâce à des élans de générosité de la profession et du public, à la volonté de Jacques Martel qui ne l’abandonne jamais, et à son courage, la maison d’édition est rouverte et les bureaux remis en état. Ces événements ont fait parler de lui et lui servent de tremplin pour de nouveaux engagements dans des cabarets.

En 1932, tout sourit à Jacques Martel mais une nouvelle fois la fatalité va le frapper.
En sortant de son domicile, il est renversé par un taxi et transporté à l’hôpital.
Grièvement blessé aux jambes, il est condamné à l’immobilité pour de longues
semaines. Sa volonté et son courage lui permettent de reprendre assez rapidement sa vie normale avec le dynamisme qui le caractérise.

Au début de la dernière guerre, en 1939, il décide de revenir à Léré où il habite la maison qu’il a fait construire et qu’il a baptisée « Et pis pas pus ».
Mais à la fin de 1941, atteint d’un cancer à l’estomac, il décède le 30 décembre, il a 64 ans. Ses obsèques ont lieu le 2 janvier 1942.

Jacques Martel a laissé un très grand nombre de textes et de chansons dont une grande partie sont en patois berrichon. C’est pour cela qu’il fait partie du patrimoine, il a parlé et chanté le Berry, en berrichon, aux parisiens, aux spectateurs de toutes régions de France et aux étrangers en visite dans notre capitale. Il a écrit, à propos de nos vieilles maisons,

Malgré les ans, toujours solides
Vos toits sont les roux capuchons
Et vos chevrons noircis, les rides
Des doux paysans berrichons.

En 1947, un buste est inauguré dans la cour de la mairie de Léré, puis une stèle
a été dressée, en 1982, dans un square qui porte son nom, où on peut encore la voir.
Jacques Martel repose en terre berrichonne qu’il a tant aimée et son souvenir
reste à jamais présent dans sa petite ville natale de Léré.

L’association Léré-mémo, qui s’attache à faire vivre ce patrimoine, a
organisé le 23 octobre 2016, un après-midi cabaret avec un programme de textes et de chansons de Jacques Martel.

Michel Tinelli